Lancée à toute berzingue dans le désert de la Désolation, Furiosa (incarnée par Anya Taylor – Joy) poursuit sa vengeance ; bien décidée à éliminer le très cruel mais non moins sympathique Dementus (incarné par Chris Hemswort), chef d’une horde de motards.

C’est le pitch de Furiosa, A Mad Max Saga, la nouvelle perle ardente de Georges Miller.
Mais avez – vous remarqué que le personnage de Dementus ne cours pas seulement après le pouvoir et la domination comme on pourrait le croire ? Sa quête est de nature purement alchimique.

Les 3 Principes
En effet, les trois objets de convoitise de Démentus (la Citadelle, Pétroville et le Moulin à Balles) correspondent aux trois principes qui animent toute matière : l’esprit, l’âme et le corps.

De plus, les trois stades d’évolution (aussi bien psychologique que vestimentaire) de Dementus sont en fait les trois étapes nécessaires à la restructuration de la matière et à réalisation de la pierre philosophale.
L’esprit, symbolisé en alchimie par le principe du Mercure, renvoie à la partie la plus volatile d’une matière. C’est la nature d’un message. Par exemple, le Mercure d’une plante, obtenu par distillation, est l’alcool qu’on en retire (aussi appelé spiritueux).
Et cela correspond tout à fait aux jardins suspendus et irrigués de la Citadelle, déténus par Immortan Joe.

Le Mercure de l’homme est sa pensée. On ne s’étonne pas alors que les scènes les plus verticales du film se déroulent à la Citadelle : les War – Boys s’élançant des hauts remparts de la forteresse, le ballet aériens des motos accrochées à des chaînes, Furiosa suspendue dans le vide…
En outre, le Mercure désigne aussi la Matrice féminine, le réceptacle ; cela fait bien sûr écho aux ‘pondeuses’ et aux ‘vaches à lait’ jalousement gardées par Immortan Joe.

Le principe Mercure est représenté par la couleur bleue ou blanche, la lune, la femme.
L’âme, symbolisée par le Souffre, est ce qui anime la matière et la met en mouvement. Le souffre d’une plante, c’est son huile essentielle… Ou le pétrole issu de sa fossilisation.

On pense tout de suite au lac englué qui borde Pétroville. L’âme est un réservoir d’agitation : l’homme n’aura de cesse d’expulser son souffre.

Il n’y a d’ailleurs qu’une lettre de différence entre ‘Souffre’ et ‘Soufre’… Et l’idée de Souffle n’est pas non plus étrangère à ce principe.

Selon la gnose alchimique, l’univers n’a qu’un seul objectif : dissiper son agitation. Cela est aussi vrai à notre échelle. Pétroville est le lieu où l’âme humaine tente de calmer les émotives frictions, ce par la neutralité d’un régule tel que l’art : c’est ce que fait le premier leader de la ville en peignant une fresque sur le mur de sa demeure. Un autre canalisateur de l’émotion peut aussi être vu dans la figure du conteur, gardien des mémoires et des légendes.

Enfin le Souffre désigne le principe vital et masculin qui descend dans la matrice ; le feu du ciel. Il est représenté par la couleur rouge, un soleil radieux, un homme vigoureux.

Le corps, symbolisé par le sel, est l’ultime matière ; la lumière la plus lourde et la plus condensée. C’est ce que représente le Moulin à balles, qui produit la denrée la plus palpable que l’on trouve dans la Désolation.

Le sel d’une plante est sa cendre. Lorsque l’on carbonise un corps, c’est la matière brute qui subsiste à la fin, une fois que le message est retiré et que le mouvement est devenu une information : la brique initiale.

Cela dit, si une telle représentation est évidente pour un adepte de la Voie Sèche, un adepte de la Voie Humide aura peut – être plus tendance à dire que le Sel d’une plante est tout simplement sa graine.
Le sel de l’homme est en tous les cas son corps physique. Le sel scelle (ici encore, l’homophonie sert le propos alchimique) ; il fixe le volatil et piège les matières subtiles.
Le sel est donc l’enfant engendré par l’union des principes féminin et masculin. Il est représenté par la couleur blanche ; son symbole est un cercle barré par le milieu.
Difficile pour le néophyte de distinguer quand on parle du mercure, du souffre et du sel en tant que matériaux concrets et quand on en parle en tant que principes. La confusion du débutant lisant un texte alchimique se retrouve autant chez Dementus que chez les autres antagonistes.

Les cinq éléments
Outre ces trois principes, l’alchimie attribue à la matière quatre états : solide, liquide, gazeux et plasmatique. Ces quatre éléments (terre, eau, air et feu), aussi appelés les quatre Grands Vivants, sont tous régis par un cinquième élément ; le point commun à toute chose, la véritable quintessence.

Rappelons comment Furiosa est qualifiée au point culminant du film : l’Ange des Ténébres, le cinquième cavalier de l’Apocalypse.
N’est – ce pas cette quintessence que cherche Dementus sans même le savoir ?
Le Grand Oeuvre
Ces bases théoriques posées, on peut aborder l’alchimie opérative.
Le Grand oeuvre est un processus en trois étapes ; traditionnellement appélées l’oeuvre au noir, l’oeuvre au blanc, et l’oeuvre au rouge.

L’oeuvre au noir, ou nigredo, consiste à décomposer la matière, l’ouvrir littéralement pour qu’elle révèle ses secrets.
On parle de putréfaction, de corruption (au sens de corps rompu). La matière devient noire, perd sa forme et se volatilise. On associe donc cette phase au corbeau.
C’est un passage par une sorte de petite mort ; on y trie le subtil de l’épais, on purifie le métal de ses scories ; on se purifie et se clarifie, ce au prix d’une mort à soi – même.
L’oeuvre au blanc, ou albedo, consiste à purifier ces trois principes pour les recomposer autrement. On prend soin d’assembler le souffre et le mercure (le masculin et le féminin) à part exactement égales.

On appelle cela les noces chymiques : l’union de l’homme et de la femme, du soleil et de la lune. Une force parfaite est désormais contenue dans une puissance parfaite.
Le premier résultat de ce mélange se nomme la teinture. On la lie par le sel qui fixe le volatil.

Cette phase est associée à la licorne, symbole de pureté par sa blancheur et d’union hermaphrodite (liée par la corne) : le mariage d’Hermès et d’Aphrodite, également symbolisé par le cygne.
L’oeuvre au rouge, ou rubedo, est la pénétration de cette teinture par la lumière, qui lui donne sa couleur rouge, couleur de la pierre philosophale.

Ce produit rouge est la quintessence ; littéralement, la cinquième essence, l’essence indifférenciée dont sont issues toutes les autres.

Elle correspond à l’enfant né de l’union susdite, la cohabitation pacifique des contraires, la synthèse opérée par l’univers, l’union du haut et du bas. L’hermaphrodite devient androgyne.

Cela est symbolisé par le phénix, qui renaît de ses cendres. Cette phase ultime et rarissime correspond à l’illumination.

La graine philosophale
Que ce soit par ignorance ou par dévoiement des valeurs alchimiques, le parcours de Dementus ne suit pas l’enchaînement traditionnel du Grand Oeuvre ; à savoir Nigredo, Albedo et Rubedo. Dans le film, l’ordre est plutôt le suivant : Albedo, Rubedo et Nigredo.

Pourquoi une telle confusion ? Dementus semble chercher sont Grääl dans les mondes physiques- représentés par les trois places fortes de la Désolation.

Or, si les mondes virtuels et concrets créés par l’homme semblent exister, en fait ils n’existent pas.
Furiosa, elle, semble naturellement liée aux mondes idéaux et invisibles – représentés par les étoiles et les graines qu’idolatre sa tribu. S’ils échappent d’abord aux sens humains, ces mondes se révèlent plus réels et prolifiques que les machines convoitées par Dementus.

La pierre philosophale est donc réalisable dans les trois règnes : minéral, végétal et animal.
Là où Furiosa parvient à réaliser cette pierre dans le règne minéral et le règne végétal, Démentus échoue à fabriquer la pierre animale (aussi appelée la pierre des dictateurs), laquelle se réalise à partir de sang, voire même de larmes.

Ainsi, Dementus représente l’alchimiste dévoyé, le moine défroqué, le mauvais pèlerin ayant oublié sa mission en route, tandis que la véritable initiée se révèle être Furiosa, qui renonce au sang au profit de la graine et de l’étoile.
Preuve en est l’étrange rédemption finale où Dementus devient le terreau du pêcher de Furiosa : rappelant que si le monde des hommes est aussi vide de sens que de denrée, une semence peut toujours être trouvée dans l’acte.

Source : Un Alchimiste Raconte, Patrick Burensteinas






























Excellent article que je viens de partager sur X twitter
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