The Outfit est un film américain réalisé par Graham Moore et sorti en 2022. Il fut présenté en avant-première à la Berlinale 2022.

Mode et cinéma se rencontrent dans ce brillant thriller mettant en scène Léonard Burling (interprété par Mark Rylance), un ancien tailleur dans le célèbre quartier de Savile Row à Londres, qui a quitté son pays pour s’installer en Amérique.

À Chicago, il tient aujourd’hui une humble boutique de costumes, dans un quartier défavorisé. Malheureusement pour lui, la plupart de ses clients sont des gangsters de l’Outfit et de la mafia irlandaise dirigée par Roy Boyle.

Le bras droit de Roy est son fils Richie. Ce dernier fréquente par ailleurs Mable, la réceptionniste de Leonard. Après une fusillade qui a mal tourné, le tailleur anglais va se retrouver impliqué dans les activités des mafieux.

Tenant à la fois du huit – clos habile et du film à suspens, c’est le genre de production qui donne envie de réaliser soi – même une oeuvre.
Le film s’ouvre avec un montage de coupe et la couture d’un costume réalisé par Campbell Carey de la maison Huntsman ; ce sont les mains de ce véritable couturier que l’on voit à l’écran lorsque l’acteur Mark Rylance se met à l’ouvrage. En outre, l’établissement de renom fondé en 1849 fut un consultant de choix tout au long de la production.

On est d’abord saisi par la tension qu’implique un univers mafieux sous-jacent qui se révèle à mesure que défilent les insolites clients de Léonard, lesquels utilisent la boutique humble et cosy comme un relai postal.

Le tailleur ne semble pas perturbé par le ballet macabre et les sombres intrigues qui se déroulent autours de sa boutique, préférant se concentrer sur les plis et les coutures qui rythment son quotidien, alignant ses tissus et ses outils sur la table avec la minutie d’un bateleur, travaillant avec une mine austère et effacée.

On lui devine pourtant un passé et un avenir plus flamboyants que ce quotidien morne, répétitif et millimétré qui semble n’être qu’une façade. On l’apprend dans le film, c’est l’émergence du nazisme couplée à la concurrence exercée par Blue Jeans qui motivent son départ d’Angleterre.
D’abord vulnérable, vouté sur ses ourlets et ses boutons de manchettes, le maestro sartor évolue rapidement vers l’astuce et la malignité.

Est – il un espion, un infiltré, un ancien gangster ? Dans tous les cas, son impassibilité et son professionnalisme, même au coeur d’une tornade sanglante, interpellent le spectateur.

Chaque moment dans l’atelier est une véritable master class, mêlant ASMR et fétichisme textile. Avec ses tons crèmes et ocres comme du papier kraft, le lieu a bien été mis en valeur par la décoratrice Gemma Jackson. On y partage la solitude de Léonard mais aussi le havre d’une paix besogneuse.
La boutique est le lieu de rencontre entre les différents personnages, où se déroule la trame narrative et se noue l’essentiel de l’intrigue.

Il est intéressant de noter que l’action du film se déroule en 1956, période durant laquelle la pègre italienne connaissait son apogée et avait effectivement la mainmise sur l’industrie cinématographique à Hollywood.

L’Outfit de Chicago, communément appelée « The Outfit » ou « Chicago Crime Family », est la famille du crime organisé de la ville de Chicago, dans l’Illinois aux États-Unis, depuis 1910.

Sous le contrôle de Johnny Torrio et du légendaire Al Capone , l’Outfit est monté en puissance dans les années 1920. Cette période a été marquée par des guerres de gangs sanglantes pour le contrôle de la distribution d’alcool de contrebande pendant la Prohibition.

Des 25 familles qui composent la mafia américaine, les Cinq familles new-yorkaises sont les plus puissantes et l’Outfit de Chicago est la seule famille qui rivalise avec ces dernières en termes de puissance. Ainsi, elle est parfois considérée comme la « sixième famille ».

La mafia irlandaise (the Irish Mob) est quant à elle la mafia la plus ancienne des États – Unis avec une origine remontant au 19e siècle, lors de l’exode qui suivi la Grande famine ayant ravagé l’Irlande au milieu de années 1840.

Le film The Outfit est donc le récit d’une rivalité gagnante entre des groupes mafieux issus d’Europe et prospérant aux États – Unis. Bien qu’ennemies, ces factions présentent la même esthétique : costumes de bonne coupe, feutres à calotte pointue style Borsalino, colt dans un holster d’épaule, cravate pittoresque, chemise constellée de sang…

On retrouve Dylan O’Brien – le héros du film Le Labyrinthe et l’anti – héros de Love and Monsters – ici très convaincant dans ce rôle d’enfant terrible de la pègre ; Nikki Amuka-Bird en froide cheffe de gang ; Johnny Flynn campe un antagoniste violent au visage d’ange, sans aucun manichéisme.

Très théâtral dans son exécution, reposant beaucoup sur ces dialogues, sans négliger le suspens et les scènes d’actions, le film nous rend curieux de découvrir comment Léonard va faire pour sortir de cette situation risquée.

S’il luttait jusqu’ici pour sa tranquilité, c’est sa vie et celle de son assistante qu’il va devoir défendre au cours de cette folle soirée. Et il le fera avec un flegme désarmant.
Véritable bijou noir confectionné à la main, délicieusement vintage, l’oeuvre nous charme en allant l’encontre de la mode et des tendances actuelles du cinéma.

Ici nul besoin de grand spectacle ou d’une débauche d’effet spéciaux, mais une approche distinguée ; des twists scénaristiques astucieux ; une focalisation sur le jeux et les gestes des personnages ; un ton général apaisé qui donne aux rares scènes d’action une saveur particulière.

Finalement, mystère et mensonge constituent, pour chaque personnage du film, un costume sur mesure dont il apprend à se défaire pour avancer.

Il semble que cette séparation doive se faire par les ciseaux que Léonard affectionne tant et qu’il emporte partout avec lui.

Confronté à un passé traumatique qui semble vouloir se répéter, rêvant d’une perfection proche mais inatteignable, Léonard n’a finalement d’autres choix que de poser ses outils sur la table et de recommencer inlassablement son oeuvre, révélant ainsi la véritable sagesse de l’artiste, l’enjeu final du créateur.

Infos:
Réalisation : Graham Moore
Scénario : Graham Moore & Johnathan McClain
Musique : Alexandre Desplat
Sociétés de production :FilmNation Entertainment
Pays de production : États-Unis
Genre : drame
Durée : 106 minutes
Sortie : 2022


